Le devenir des jeunes diplômés de l’université : le cas des diplômés de licence et de master en langue et culture amazigh
Du 01/07/2016
Au 30/06/2019
Chef de projet : KINZI Azzedine
Membres de l’équipe :
LAOUFI Amar
CHIOUKH Rabiha
KIRECHE Ouerdya
OUDJANI Ouerdia
Problématique
La problématique de notre projet s’inscrit dans le prolongement des anciens projets que nous avons réalisés en équipe et qui nous ont ouverts des perspectives intéressantes dans le domaine de la jeunesse dont la catégorie universitaire n’a pas été étudiée.
Les résultats des projets précédents s’articulent avec notre réflexion à l’endroit où ces derniers nous ont donnés des éclairages sociologiques sur le phénomène de la jeunesse en Kabylie, tant dans le monde villageois que dans le monde urbain. Les résultats auxquels nous avons aboutis dans les projets en question nous servent de capital de savoirs accumulés pour en explorer d’autres.
La problématique de la jeunesse intéresse (aussi) de très près la stratégie que développe le jeune dans la préparation de son avenir à travers une formation scolaire et/ou universitaire qu’il choisit ou qu’on lui impose durant sa socialisation. Cette formation (de courte ou de longue durée) lorsqu’elle est arrivée à terme, elle est sanctionnée par une obtention du diplôme. Celui-ci permet au jeune de le valoriser, dans certaines situations, pour une insertion dans la vie active ou pour un quelconque dessein de l’avenir qui le motive et l’ambitionne. Autrement dit, le jeune est balloté entre deux ambitions qui animent en fait la stratégie de « réussir en théorie son avenir ». Il s’agit par là d’une ambition d’avoir le diplôme et une ambition d’insérer le marché de travail. Les deux ambitions motivant le jeune dans la représentation de son avenir sont en effet complémentaires ; mais, elles peuvent être dans d’autres circonstances illusoires.
Le projet de recherche que nous proposons s’articule particulièrement autour d’une réflexion, à la fois sociologique et anthropologique, sur le sujet des jeunes ayant obtenu des diplômes universitaires leur permettant de développer leur stratégie et leur ambition d’intégrer, en premier lieux, la vie active. Autrement dit, Le présent projet met en perspective, à partir d’une approche empirique en sociologie, une problématique sur le devenir des jeunes diplômés de l’université. La sociologie bien qu’elle investisse des enquêtes sur cette question sur d’autres sociétés, (Bourdieu ; Passeron, etc.), mais elle éprouve le besoin de renouveler et d’élargir son champ empirique et temporel sur d’autres terrains et d’autres sociétés jusque-là méconnues.
C’est dans ce sillage d’une réflexion sociologique sur la jeunesse que nous voudrions nous intéresser à une catégorie de jeunes ayant obtenu des diplômes universitaires, en l’occurrence des licences et des Masters dans une filière de langue et culture amazigh des trois départements amazigh des universités de Tizi Ouzou, Bejaia et Bouira.
Pour répondre au besoin social et pour une prise en charge effective de la langue et de la culture amazighes, trois départements amazigh au niveau national ont vu le jour à des années différentes : 1990 Département amazigh de l’université de Tizi Ouzou ; 1991 Département amazigh de l’université de Bejaia et tout récemment en 2008, le Département amazigh de l’université de Bouira. Ainsi si les deux premiers ce sont lancés au départ pour une formation de la post-graduation, notamment en magistère, dans trois options structurant le champs des études berbères, à savoir la linguistique, littérature et civilisation amazigh, quant au troisième (i.e. Département de Bouira), encadré principalement par les sortants diplômés des deux premiers départements, s’est lancé directement dans une licence LMD et trois ans plus tard il ouvert un Master.
L’évolution de la formation universitaire dans les deux Départements amazigh, particulièrement celui de l’université de Tizi Ouzou et de Bejaia, à quoi s’ajoute l’introduction de l’enseignement de la langue tamazight dans le système de l’éducation en septembre 1995, a abouti en septembre 1997 à l’ouverture de la licence en langue et culture amazighes dans les deux départements cités précédemment. Ainsi, la première promotion de diplômés de licence en langue et culture amazighes a eu lieu en juin 2001 (Kinzi : 2012). Depuis cette année les chiffres ne cessent d’augmenter tant pour le nombre d’étudiants orientés pour une formation dans cette filière que pour le nombre de diplômés de licence et de Master qui sortent chaque année.
La réforme de la formation universitaire et l’introduction du système LMD dans la formation des études berbères à l’université, ont eu en conséquence les diplômes de licence LMD et de Master avec l’extinction progressive du système de la licence classique.
De 2001 à 2014, treize ans durant les trois départements amazighs existant au niveau national, font sortir chaque année des diplômés de licence (classique et LMD) en langue et culture amazighes ainsi que des Masters.
L’obtention de diplôme de licence et de Master en langue et culture amazighes sanctionnant tant d’années d’un cursus de formation universitaire met le jeune diplômé dans une véritable ambivalence face à un avenir de la vie active, souvent incertain. Si les diplômes de licence et de Master en langue et culture amazighes offrent pour le jeune diplômé prioritairement les possibilités d’insérer la vie active dans le domaine de l’éducation, comme enseignant de langue amazighe, d’où l’orientation pédagogique essentielle de cette formation : « un diplôme d’enseignement » ; cependant la réalité sociale à laquelle est affrontée le jeune diplômé était une autre. Ainsi, faute de disponibilité des chiffres fiables, il nous est difficile de se prononcer sur le nombre de diplômés qui ont été recrutés dans l’éducation, sachant qu’il s’agit du seul secteur professionnel pourvoyeur d’une insertion professionnelle de ces jeunes diplômés tenant de la politique gouvernementale pour la généralisation de l’enseignement de tamazight dans tous les paliers de l’éducation. Cette dernière avait non seulement ambitionné le jeune dans sa préparation du diplôme, mais surtout elle le met dans une situation « illusoire » tenant compte de la réalité des diplômés dans ce domaine qui sont en situation précaire : chômage et la précarité du travail occupé. C’est à ce niveau que se pose la question de l’efficacité et la valeur du diplôme sur le marché de travail, en tant que « valeur symbolique » pour reprendre ici le concept bourdieusien. Autrement dit, est-ce que la « valeur symbolique du titre » correspond, dans une certaine mesure, avec une valeur du marché de travail ? Si nous nous permettons ici de raisonner dans une perspective de la sociologie de travail et d’emplois.
Par ailleurs, si certains de ces diplômés leur offre l’opportunité d’intégration professionnelle dans l’enseignement (dans tous les niveaux confondus : primaire, moyen et le secondaire). Quant à d’autres, ils se retrouvent dans des situations précaires, sans emploi ou occupant d’autres secteurs et professions.
Toutes ces données permettent de relater, d’une manière très brève et non exhaustive, le contexte sociologique des jeunes diplômés et la nature de leurs diplômes. C’est à cet endroit que nous posons les principaux axes de notre réflexion relative au devenir des jeunes diplômés dans la filière de langue et culture amazighes. Cette perspective nous conduit justement à réfléchir sur la façon avec laquelle le jeune diplômé est confronté à la quête d’une vie active. En effet, notre perspective s’interroge aussi sur le devenir de ces diplômés tant sur le marché de travail, dans la vie inactive et d’autre choix que nous ignorons encore.
Dans le souci de délimiter notre champ d’investigation sociologique, il est opportun de cerner trois paramètres structurant notre enquête empirique. Il s’agit en l’occurrence de la population d’enquête, du terrain d’enquête et de la question temporelle organisant l’esprit d’enquête.
Pour ce qui est de la population d’enquête : elle concerne les jeunes diplômés, des deux sexes (filles et garçons), sortants dans les trois départements amazighs, respectivement des universités de Tizi Ouzou, Bejaia et Bouira. Cette population concerne les jeunes diplômés ayant l’âge moins de 35 ans et qui sont encore célibataires.
Quant au terrain d’enquête, il est défini essentiellement par l’emplacement géographique et administratif de chaque département ou de l’université d’appartenance. Ceci dit, l’enquête sociologique sera menée dans les trois wilayas abritant les établissements universitaires où sortaient les diplômés en question.
Quant à l’élément temporel qui jouera d’une variable importante dans le choix de la population enquêtée, il concerne la période de 2005 à nos jours. Autrement dit, nous nous intéressons aux jeunes diplômés (de licence des deux systèmes de formation et de master) sortant à partir de l’année 2005.
De ce qui précède nous posons les grands questionnements structurant ainsi notre problématique :
- Quel est le devenir des jeunes diplômés de licence et de Master en langue et culture amazighes des trois Départements amazighes (Tizi Ouzou, Bejaia et Bouira) ?
- Un diplôme de langue et culture amazigh pourquoi faire ?
- Quelle est la valeur de ce diplôme sur le marché de travail ? Autrement dit, un diplôme de langue et culture amazighes offre-t-il pour le jeune une possibilité d’une insertion dans la vie active et professionnelle ?
- Quelle valeur représente-t-il ce diplôme pour ces jeunes diplômés ?